Ce qui
semble être qu'une simple analyse de ces lois se transforme en
véritable déclaration d'asociabilité chez un individu
tel que lui. Une
certaine asociabilité certes compensée par l'influence
populaire qu'il développe chez les détenus de tout clan,
un pouvoir largement exprimé lors de l'émeute dans Emerald
City ("Partie de dames" S01 EP08), premier point.
° Saïd
de par la confiance que les détenus ont en lui représente
une potentielle forme de guide et confident, il sait tel un fin psychologue
infiltrer les pensées de ses "frères" et ainsi
décèle facilement "les démons
qui " leur "agrippent le cul" (Poet dans l'épisode
"Sans Appel" de la saison 02). Il est donc à
lui tout seul l'incarnation semi parfaite - en témoignent ses
échecs avec Beecher (quand celui-ci abuse de la bouteille: épisode
"La
ferme aux animaux" avant dernier épisode de la saison
02) ou avec Poet (quand celui-ci se fait réincarcéré
à Oswald (dans l'épisode "La ferme aux animaux")
alors qu'il en était sorti grâce à la publication
de quelques poèmes dans un livre anthologie baptisé "l'Amérique
de l'oppression" obtenue par Saïd)- du célèbre
proverbe : "Le savoir c'est le pouvoir", tel un
Reebadow, il observe silencieusement l'intérieur du "donjon"
et est prêt à bondir à la moindre occasion (ceci
est par contre loin d'être récurrent à un Reebadow
!). Une véritable panthère dans la cage aux oiseaux.
° Second
point : Saïd est un humaniste. Il est humaniste par sa quête
de rédemption de l'homme et sa croyance en l'individu. Il croit
que toute âme, même la plus tourmentée, peut trouver
le salut. C'est cette croyance qui fait de lui le sauveur des âmes
de Emerald City, c'est sans contexte un excellent gage de qualité
pour un l'extérieur mais cela fait plus figure d'escroquerie
pour le staff de Oz. Son engagement humaniste fut dangereusement malmené
lors de l'affaire avec le musulman qui le laissa sans secours lors de
l'infarctus du premier. Obnubilé par son idée de vengeance,
Saïd a perdu du vue sa "rédemption des âmes"
et décréta en présence de ses fidèles: "Tu
as souhaité la mort de l'un des notres désormais tu es
mort pour nous tous". Ce moment de la vie de Saïd laissa émerger
sa face la plus
noire, celle d'un homme qui ne tolère aucune atteinte, celle
d'un homme qui ne pardonne pas, celle d'un homme plein de haine et de
vengeance (la loi du Talion appliquée). C'est lors de cette troublante
scène de la série que l'on voit Saïd tel qu'il est
vraiment : le Kareem Saïd qui fut incarcéré pour
avoir incendier l'entrepôt d'un blanc. La haine à l'état
pur, l'on a pas de besoin de deviner ce qu'il serait advenu du musulman
si celui-ci se
retrouvait face à face avec Saïd dans une ruelle quelconque.
Cet événement poste Saïd face à ses contradictions.
Effrayant de constater que le plus humaniste et croyant des hommes peut
aussi être plus noir que toute la
mauvaise volonté du monde, c'est l'incarnation du double jeu;
l'une des armes les plus efficaces de Saïd et de tous les grands
orateurs aux sombres desseins: le côté noir n'émerge
qu'en situation d'atteinte grave à la
personne, en l'occurrence dans le contexte de Emerald City, Saïd.
Malheureusement, si Saïd désire mener à bien sa croisade
antisociale il se doit de dissimuler ce "yin" ravageur qui
menace sa crédibilité à tout instant. Ce fait de
nos jours non acquis par la conscience collective d'Oswald permet de
faire tomber Saïd irréversiblement car celui-ci aurait laissé
entrevoir à son oratoire sa face cachée, sa face noire,
la face qui fait de lui un homme dangereux au "moi profond"
instable dont le danger serait d'entraîner dans sa chute tout
corps passant à proximité. C'est son point faible, un
point faible qui le discréditerai à jamais et dont aucun
détenu à ce jour n'a un jour osé imaginer la mise
à nu d'un tel talon
d'Achille. Le moyen le plus efficace de le mettre à nu ? Pousser
le leader musulman au meurtre !
° Troisième point: Saïd est un populiste. Dans le sens
où il est doué d'un talent inné de l'oration tout
comme les despotes passés et futurs du monde contemporain. Il
connaît tout des revendications des détenus mais plus encore
il pénètre leur subconscient et acquière ainsi
connaissance des craintes et des peurs de chaque prisonnier (cela rejoint
le premier point).
Il est cet ami des "faibles" (ou du moins c'est l'image qu'il
se donne) qui sait parler à la foule et se poster comme leader
incontesté. Il connaît le vocabulaire à employer
pour rallier les indécis à sa cause, de par sa fine connaissance
du détenu moyen à Oswald il utilise les peurs et angoisses
de chacun et se propose de trouver les solutions adéquates. Il
est l'archétype même du despote révolutionnaire
comme ceux qui ont ensanglantés le XXème siècle,
il connaît le milieu, il sait à qui parler, il a incontestablement
la maturité et la sagesse nécessaire pour provoquer une
émeute et prendre le pouvoir; il est un danger potentiel qui
a tout moment peut se fournir une cour sur mesure en vue d'actions terroristes
futures. Son cerveau est un véritable plan de prise de pouvoir.
De plus il sait très bien que le détenu
d'Oswald est plus que tout autre sujet à la violence et aux mauvais
sentiments, se munir de la propagande qu'il développe contre
le staff d'Emerald City est indispensable afin de mobiliser les détenus
dans une lutte commune dont le dénouement serait malheureusement
le meurtre accidentel ou pas de nombreux prisonniers par les commandos
d'assauts (cf
"Partie de Dames"). La folie destructrice de Saïd
entraînera sans contexte de nombreuses vies dans son sillage,
c'est le lot de toutes les révolutions.
Saïd est un véritable humaniste doué des talents
d'un despote.
Mais en prenant en compte toutes ces données, comment alors donner
un visage humain à une telle rage dévastatrice ?
C'est le quatrième point.
° Quatrième
point: Saïd est un homme bon. Saïd a une certaine générosité
religieuse qui l'honore, ce sentiment qu'aider son prochain est sa mission
divine, son inspiration. Cette face bénéfique de l'homme
rend son enseignement louable et certes honorable. Il est le tenant
d'une certaine solidarité et l'on ressent ce fait par une expression
qui revient quasiment à tous les épisodes de la série:
"Aider mes frères". Cette phrase résonne mille
fois dans le coeur de tout homme normalement constitué, il lui
donne une telle intensité, on sent l'homme prêt à
tous les sacrifices pour sauver son prochain de la dérive, le
protéger de la tentation de le violence, on sent un homme, que
dis-je ? Un surhomme de par sa capacité à surmonter ses
sentiments, ses mauvais instants car ce surhomme à l'esprit tant
développé a appris à se maîtriser, à
ne pas succomber à la tentation, il a appris à rester
digne et honorable. Il développe ainsi un sentiment de confiance
mérité chez ses "congénères" qui
passent pour des faibles esprits en comparaison. Et c'est vrai, aucun
autre détenu n'a acquis une telle sagesse à toute épreuve,
une endurance telle, il est un homme sensible à qui l'on a donné
ce don du surpassement continuel, il est un véritable prophète
des temps modernes, un modèle humaniste à suivre et à
louer. Il est un guide qui mène les consciences déchues
vers un avenir meilleur.
Un guide malheureusement torturé et dont la sagesse ne sait parfois
pas repousser tous les démons.
Les démons qui lui "agrippent le cul" (cf. premier
point) s'appellent "mégalomanie", "haine",
"vengeance", "rancune", certes comme je l'ai dit
plus haut il sait surpasser ses mauvais sentiments mais la "haine",
la "vengeance" et la "rancune" sont des démons
enfouis prêts à surgir à tout moment de crise (cf.
son arrêt cardiaque dans le deuxième point) et qui sont
dangereusement aux aguets. Mais comment Saïd serait alors un bon
musulman sans cette "rancune", cette "vengeance"
? Sans diffamation, je peux affirmer que la loi du Talion est un principe
islamique fondamental alors pourquoi un homme si pieux comme Saïd
peut-il échapper à la règle ?
Ses démons sont par conséquent tout droit issus de sa
foi, sa foi est un barrage qui interdit à Saïd de prolonger
son engagement humaniste et restreint ses possibilités de manoeuvres,
malheureusement remettre en cause sa foi serait porter un coup fatal
à cet homme bon mais torturé et sensiblement plus faible
que l'a démontré mon analyse car Saïd est avant tout
un être au "moi profond" fragile mais qui ne le montre
pas, c'est avant tout un être sensible et torturé mais
qui ne le montre pas, un homme bon et généreux mais à
la bestialité domestiquée que l'on ne montre pas.