Le
générique.
Dans largumentation extradiégétique dune série,
le générique a une place importante. Cest le premier
contact qua le téléspectateur avec la fiction proprement
dite. En effet, la connaissance quil en a avant se limite aux
bandes-annonces, dont le but est de donner une idée générale
de la fiction afin de provoquer la décision de la regarder.
À côté du premier but, qui est de décider
le téléspectateur à regarder la série, le
générique endosse aussi deux autres rôles importants
: un rôle phatique et un rôle éthique.
Le générique a une fonction phatique. Ce terme, emprunté
à la théorie des fonctions du langage de Roman Jakobson,
signifie que le générique indique que le canal de communication
va être utilisé. La visée pragmatique, cest-à-dire
son but au niveau de laction quil souhaite déclencher,
est double : le générique de début indique louverture
de ce canal, tandis que le générique de fin désigne
sa fermeture. À côté de cette indication du début
du programme, le générique joue également un rôle
didentification fort : chaque générique doit être
facilement reconnaissable. Cest la jonction de ces deux éléments
qui fait que, lorsque nous sommes absents de la pièce où
est la télévision, nous puissions y revenir quand commence
le programme que nous voulons voir.
Lorsquelle analyse le rôle de la musique dans les mises
en scène de la télévision, Hélène
Duccini assigne clairement ce rôle au générique
: « La musique des génériques démission
joue un rôle analogue [à celui des spots de publicité]
: prévenir les téléspectateurs, peut-être
éloignés du récepteur, que lémission
commence ; cest un signal dappel. » Dans cette
conception, la musique joue un rôle essentiel puisquil faut
quelle soit clairement identifiable, même dans des conditions
de réception peu favorables, malgré le « bruit »,
pour reprendre encore un terme de Jakobson. La musique dOz est
composée essentiellement de percussions, sans accords phoniques,
et elle est hachée. Elle est donc complètement différente
de celle dautres séries télévisées,
comme The X-Files, Friends ou Ally McBeal. Il est dailleurs intéressant
de noter à ce sujet que ces trois génériques ont
fait lobjet dune sortie en disques, alors que pour Oz, cest
une compilation de morceaux ayant un rapport thématique avec
la série qui est sortie récemment. À côté
de ce phénomène dappel et didentification,
la musique a aussi une fonction pathétique, qui consiste à
déclencher des émotions chez le téléspectateur.
En outre, une fonction
éthique peut aussi être assignée au générique.
La fonction éthique consiste, pour le locuteur, à travailler
son image et à laméliorer par le seul moyen du discours.
La musique endosse partiellement ce rôle. Concernant la bande-image,
le générique dOz est composé de deux ensembles
de plans différents : des plans tirés des épisodes,
montés avec deux bandeaux en haut et en bas, comme lors de la
diffusion de films de cinéma en 16/9, et des plans filmés
uniquement pour le générique montrant un homme se faisant
tatouer Oz sur le bras. Ces dernières images nont pas de
bandeaux.
Les plans montrant une séance de tatouage peuvent être
considérés comme une métaphore de linfluence
dOz sur les gens. Les détenus sont marqués à
vie par leur passage à Oz, qui reste indélébile,
et les téléspectateurs entretiennent une double relation
avec la fiction : curiosité et malaise, à limage
du tatouage, agréable par son aspect ornemental et source de
douleurs. Le tatouage que nous voyons être fait est celui de Tom
Fontana, créateur et scénariste dOz, ce qui nous
pousse à nous interroger sur la relation quil entretient
avec sa création. Dautre part, le tatouage est fortement
représenté dans Oz : Tobias Beecher, le lendemain de son
arrivée en prison, se fait tatouer de force par Vern Schillinger
une croix gammée sur la fesse ; Ryan OReilly, après
être tombé amoureux du Dr Nathan, tente denlever,
en le grattant, le tatouage quil avait sur lavant bras et
qui était le prénom de sa femme.
En ce qui concerne lensemble des plans tirés dépisodes,
leur présentation mérite commentaire : les bandeaux rappellent
le format du cinéma, dont vient Barry Levinson. Ils indiquent
par là dès le début son héritage du cinéma
et placent Oz dans une lignée et un espace tout à fait
particuliers par rapport aux autres séries. Leffet esthétisant
est perceptible dès les premières secondes de lépisode.
Cependant, ces bandeaux sont blancs, marquant aussi la différence
entre télévision et cinéma.
Le générique
assume aussi un rôle éthique au sens technique en ce quil
nous offre une miniature de la série. Les différents plans
qui le composent sont tirés des différents épisodes
et changent de saison en saison, si bien quil y a une sorte dactualisation
du générique en fonction du développement de la
fiction. Ce phénomène montre bien quil sagit,
pour le générique, dêtre une sorte de résumé
de létat desprit de la fiction, de limage que
le producteur du discours souhaite que nous en gardions. Les différents
plans qui le composent nous présentent ses différentes
thématiques. Nous relevons ainsi, par exemple, un ensemble de
quatre plans présents dans les génériques des différentes
saisons qui montrent de la drogue saisie puis une seringue plantée
dans un bras. Or ce thème parcourt tous les épisodes.
Des plans montrant des exécutions capitales sont aussi présents
dans les différents génériques.
Dailleurs, on peut parfois, pour certains ensembles de plans,
reconstituer un fil narratif. Dans le générique de la
deuxième saison, trois séquences sont reliées narrativement
: elles montrent les étapes des relations entre Miguel Alvarez
et Riviera. Dans le générique de la troisième saison,
deux séquences mettent en place un fil narratif à lintérieur
du générique : la première montre la petite amie
de Jefferson Keane se promenant, à moitié nue, en bas
de la prison, la deuxième Adebisi caressant son sexe sous son
slip. Ces deux séquences, pourtant, ne correspondent absolument
pas à un événement précis se passant dans
la série, contrairement à lexemple précédent
: en effet, elles sont tirées dépisodes différents
en rapport avec des intrigues différentes. Enfin, le générique
nous montre les temps forts de la série, comme laffaiblissement
de la position de Kareem Said ou le passage à tabac de Dino Ortolani
par les gardiens.
Cet assemblage de plans présents dans deux ou trois génériques
et de plans ne servant quune fois a, de plus, un effet semblable
aux figures discursives de répétitions qui jouent sur
le même et lautre, comme la paronomase, la figure dérivative
ou encore le polyptote. Nous avons alors affaire à des procédés
qui provoquent de la présence, selon la théorie de Perelman
:
Parmi les figures ayant pour effet daugmenter le sentiment
de présence, les plus simples se rattachent à la répétition,
qui est importante en argumentation, alors que, dans une démonstration
et dans le raisonnement scientifique en général, elle
napporte rien. La répétition peut agir directement
; elle peut aussi accentuer le morcellement dun événement
complexe, en épisodes détaillés, apte, nous le
savons, à favoriser la présence.
Nous pouvons considérer ainsi, par exemple, les diverses séquences
présentant des exécutions capitales, que nous retrouvons
dans les génériques des différentes saisons. En
effet, la question de la peine de mort tient une place importante dans
la thématique de la série.
Outre son but de décider le téléspectateur à
regarder la série, le générique a donc deux grandes
fonctions : une fonction phatique et une fonction éthique. Sa
musique a un double but : positionner limage de la série
et provoquer des émotions chez le téléspectateur.
Ces trois rôles - phatique, éthique et pathétique
- sont dailleurs généralement présents dans
toute introduction de texte à visée persuasive.
Le
narrateur.
La seconde manifestation de largumentation extradiégétique
à laquelle nous allons nous intéresser est le narrateur,
Augustus Hill. La présence dun narrateur est une spécificité
dOz, cette structure étant généralement présente
dans les séries danthologie, comme Les Contes de la crypte,
Les Nuits de létrange ou encore Alfred Hitchcock présente.
Nous pouvons expliquer sa présence par une attention portée
par les créateurs à la visée argumentative que
peut revêtir Oz. « (...) toute argumentation vise à
ladhésion des esprits et, par le fait même, suppose
lexistence dun contact intellectuel. » Or, le
narrateur peut assumer cette fonction de « contact intellectuel
», ici explicite, tandis que les fictions, de manière générale
(romans, pièces de théâtre, films et téléfilms...),
procèdent plutôt implicitement avec un (ou plusieurs) personnage(s)
qui porte(nt) les valeurs et les idées de lauteur. Le «
cube » de verre dans lequel se trouve le narrateur peut aussi
être interprété dans une visée argumentative.
En effet, pour agir sur un auditoire, on peut le conditionner par dautres
moyens que le discours, comme des mises en scènes spécifiques,
des jeux de lumières ou de masses humaines, de la musique
Ce procédé singulier de mise en scène attire alors
notre attention sur le statut particulier de ce qui nous est ainsi communiqué.
Or, il est à noter que le « cube » est inscrit dans
le cahier des charges de la série : chaque réalisateur
a lobligation de lutiliser, de quelque manière que
ce soit, ce qui montre limportance de ce procédé
dans les apparitions du narrateur.
Les intermèdes
narratifs dAugustus Hill posent un problème dordre
chronologique. Si les commentaires quil fait sur les crimes commis
par les prisonniers ne peuvent être interprétés
que comme des analepses, que Gérard Genette définit comme
« toute évocation après coup dun événement
antérieur au point de lhistoire où lon se
trouve », les autres commentaires sont beaucoup plus ardus à
situer : il semble improbable quils soient antérieurs aux
faits (à moins de faire entrer en jeu la notion de prémonition
ou doracle), mais ils peuvent être contemporains ou postérieurs.
Nous sommes donc dans une situation dachronie, « terme
général [...] pour désigner toutes les formes de
discordances entre les deux ordres temporels [le temps de la diégèse
et celui de lénonciation] ».
Cette imprécision chronologique fait quil nous est difficile
de cerner le but précis des interventions du narrateur : sagit-il
dinfluencer notre jugement sur les actes des personnages, de dénoncer
certains faits de société et certaines orientations sociales
et politiques ou tout simplement de nous livrer des informations que
nous naurions pas par un autre moyen ? Il semble que ce soit tout
cela à la fois, et plus que cela, le téléspectateur
doit interpréter au coup par coup les intentions quil décèle
chez le narrateur. Quand il sagit de flashbacks explicatifs précisant
les motifs et les conditions darrestation dun prisonnier,
ses intentions sont relativement claires : nous faire partager un certain
environnement cognitif. Cependant, cette théorie nexplique
pas la portée des autres commentaires du narrateur sur laction.
Cette question de la place chronologique des interventions est dautant
plus importante que non seulement lhistoire qui nous est racontée,
mais aussi les commentaires se placent dans notre contemporanéité.
On peut citer, par exemple, la date de la condamnation de Jackson Vahue,
dans le sixième épisode de la première saison,
diffusé le 11 août 1997 aux États-Unis : 17 août
1997. La fiction anticipe donc sur le présent, puisque la condamnation
est censée se produire 6 jours après la diffusion. Dans
ce même épisode, nous pouvons aussi relever la date de
la condamnation dHuseni Mershaw, le 11 août 1997. Quant
aux autres interventions du narrateur, même si les références
temporelles sont beaucoup moins précises, elles se placent bien
dans notre présent : Augustus Hill, au début du troisième
épisode de la deuxième saison, diffusé le 27 juillet
1998 aux États-Unis, parle de lapproche de lan 2000
et des listes de personnes ayant marqué le millénaire
que publient, à cette époque, les journaux.
Cette exacte coïncidence entre le temps de la fiction et le temps
du téléspectateur pose un problème sur le plan
éthique au sens technique, cest-à-dire au sujet
de limage de marque dAugustus Hill en tant que narrateur
: dans ce cas, notre narrateur ne jouit pas dune position de recul
sur les événements quil commente. Ce recul est normalement
le cas de tout récit narré, puisquil sagit
dun récit a posteriori. Ce nest pas là le
seul problème puisquil y a une collusion entre Augustus
Hill, personnage prisonnier dEmerald City, et Augustus Hill, narrateur.
Ainsi parle-t-il de sa dépendance, en tant que personnage, dans
un intermède narratif du sixième épisode de la
première saison. Cependant, il ne viendrait pas l'idée
au téléspectateur de remettre en cause la parole du narrateur.
Cela montre bien quil y a quand même, de la part du narrateur,
une construction de lethos. Elle passe par une certaine sympathie
que le téléspectateur ressent pour lui en tant que personnage,
avec un transfert de lethos du personnage sur le narrateur, et
une construction particulièrement soignée du discours,
qui vient contrebalancer le manque de recul que nous pourrions éventuellement
reprocher au narrateur.
Le personnage, en effet, est tout de suite sympathique au téléspectateur.
Dune part, son handicap, loin de nous faire éprouver de
la pitié puisquil ne semble rencontrer aucune difficulté
à se déplacer dans Emerald City et quil nessaie
pas de se faire plaindre, fait que nous nous intéressons davantage
à lui. Dautre part, le fait quil ne participe à
aucun des coups montés par les prisonniers pour tirer un avantage
quelconque, à aucun des meurtres ni à aucune des agressions
entre prisonniers nous donne une image positive de ce personnage qui
ne cherche pas à écraser les autres à tout prix.
Cette sympathie et cette bienveillance que nous portons au personnage
se transfèrent alors sur le narrateur.
Dun point
de vue discursif, le narrateur se singularise par lemploi de procédés
rhétoriques peu utilisés par les personnages : les preuves
extra-techniques, lemploi des proverbes, des lieux rhétoriques
et des procédés de liaison.
Les preuves extra-techniques sont celles qui ne sont pas construites
par le discours, comme les témoignages ou les preuves. Leur emploi
donne une crédibilité au discours, puisquelles sont
objectives. Augustus Hill cite des statistiques et des conclusions de
rapports officiels. Par exemple, il ouvre le sixième épisode
de la première saison par une statistique : « Six percents
of the total prison population is 55 and older. Thats double ten
years ago. » Dans le troisième épisode de la
deuxième saison, il fait écho à un rapport officiel
:
The U.S. Department of Justice reports that the typical prisoner
in America is an undereducated, young male minority [...]. If that undereducated,
young male minority receives his G.E.D. in prison, he is far less likely
to come back. If that same kid manages to go to college while he's inside,
he'll almost definitely never see a prison cell again. Last year, one
state, California, spent more money on its penal system than it did
on higher education.
Ces preuves extra-techniques non seulement ont une efficacité
persuasive sur le téléspectateur, mais participent aussi
à la construction éthique de lorateur puisquil
en ressort limage de quelquun de cultivé et de renseigné
sur la question quil traite. Pour introduire la conclusion de
ce rapport officiel, Augustus Hill cite Booker T. Washington : «
I have great faith in the power and influence of fact. It is seldom
that anything is permanently gained by holding facts back ».
Cette citation participe aussi de ce double mouvement.
Dans une optique similaire à celle de la citation, qui fait appel
à un argument dautorité, nous pouvons citer lemploi
des maximes, expressions populaires et slogans. Le sixième épisode
de la deuxième saison souvre sur un proverbe, «
You made your bed, now lie in it » et se clôt sur une
expression populaire, « sleep tight, dont let the bedbugs
bite ». Le proverbe est lorigine dun développement
dont la conclusion est que chacun est responsable de ses actes, ce qui
est, par exemple, en contradiction avec certaines thèses de Kareem
Said qui défend un déterminisme social. Or, ladhésion
portée au proverbe va être transférée à
la conclusion, que le narrateur présente comme une traduction
du proverbe. Quant à lexpression populaire qui clôt
ce même épisode, elle a pour fonction, dans son utilisation
habituelle, de signifier la fin de la discussion et ici, elle signale
la fin de lépisode. Elle a une fonction phatique dont la
visée pragmatique est inverse, en indiquant la fin de lutilisation
du canal de communication. Cette intervention du narrateur double donc
la fonction phatique assumée par le générique de
fin.
Le cinquième épisode de la troisième saison souvre
sur le slogan de la poste américaine, inspiré dHérodote
: « Neither snow nor rain nor heat nor gloom of night stays
these courriers from the swift completion of their appointed rounds.
» Au-delà de largument dautorité,
ces maximes jouent un autre rôle. Perelman nous dit que «
le proverbe exprime un événement particulier et suggère
une norme ». Dans notre contexte, il met laccent sur
lidée darrivée, de fin de parcours, daboutissement.
Elle est mise ici en concurrence avec celle dattente, considérée
comme plus caractéristique par le narrateur de latmosphère
dOz.
Le narrateur utilise aussi des lieux rhétoriques. Un lieu, en
rhétorique, est un schème argumentatif spécifique,
dans lequel on arrange ses arguments. Au début de chaque saison,
il utilise le lieu de la définition. Il explique ce quest
Oz. Il commence toujours par donner le nom complet de létablissement
: « the Oswald Maximum Security Penitentiary » pour les
deux premières saisons et « the Oswald State Correctional
Facility, level four » à partir de la troisième.
Il précise à chaque fois quOz est « the name
on the street », cest-à-dire quil fait référence
à un idiolecte particulier à une classe sociale. Or, lemploi
dun vocabulaire spécifique place largumentation dans
un certain cadre, ici une opposition sociale.
Pour la première saison, nous avons une vraie définition
: « Oz is retro. Oz is retribution », marquée par
une anaphore et une ressemblance phonique. Cette définition montre
bien la perception quont les prisonniers dEmerald City :
elle est qualifiée de « retro », alors que Tim Mac
Manus la veut davant-garde, et de châtiment, alors que Tim
Mac Manus met en avant les avantages et les récompenses quil
y met en place. Dès le début, la distance qui sépare
les conceptions quont les différents personnages de cette
prison est présente.
Dans les deux saisons suivantes, la définition constituée
par la mention du nom complet de létablissement est suivie
dune narration : celle de lémeute pour la deuxième
saison, celle des événements majeurs de la deuxième
saison en ce qui concerne lintermède narratif ouvrant le
premier épisode de la troisième saison. Ce dernier intermède
est intéressant puisquil dit que, malgré le changement
de nom, rien na changé. Il amorce ici une réflexion
sur le pouvoir des mots, défendant la thèse que le langage
na pas dinfluence sur la réalité, tandis que,
dans le troisième épisode de la deuxième saison,
le narrateur nous dit : « [the names of the doctors Epstein
Barr, Norman-Barre, Down and Alzheimer] make us sick. », défendant
la thèse dun langage ayant un pouvoir sur la réalité.
Cette contradiction apparente tendrait à prouver que le narrateur
est moins un personnage cohérent quune fonction, quune
coquille habitée par Augustus Hill pour guider le téléspectateur
dans les méandres de la série.
Dans le premier épisode de la quatrième saison, nous avons,
après lexplication du nom, une allusion au bouclage décidé
par ladministration. Dans le neuvième épisode de
cette même saison, toujours après lexplication du
nom, Augustus Hill nous fait une description du lieu : « Now
in Oz, our entire day is structured. We know when we'll eat, sleep,
work, when we'll have free time. Now, giving a man who's locked up free
time is a joke, 'cause there are still all kinds of restrictions as
to what you can and can not do. Some people try to better themselves
by reading, or exercise. Some pray. Some plot. Some just watch tv ».
Dans tous les cas, le lieu de la définition permet ici dobtenir
un accord sur le sujet dont il est question, préalable à
tout développement argumentatif.
Enfin, Augustus
Hill utilise des procédés de liaison, cest-à-dire
des « schèmes qui rapprochent des éléments
distincts et permettent détablir entre ces derniers une
solidarité visant soit à les structurer, soit à
les valoriser positivement ou négativement lun par lautre.
» Ainsi, dans le sixième épisode de la première
saison, il associe deux termes opposés dans la tradition chrétienne,
le corps et lesprit : « The mind is just like the body
». A partir de cette liaison, il établit ensuite une
différence entre les deux en disant que quand lesprit survit,
cest un miracle, pour introduire les relations entre Vern Shillinger
et Tobias Beecher, deux ennemis jurés. Dans le même épisode,
il utilise un procédé de liaison lorsquil raconte
lhistoire de son accident. Il nous dit quavant son accident,
il était dépendant au crack, puis quaprès
son arrestation et son accident, il a reçu un traitement antalgique
important qui la aidé à décrocher. Maintenant,
il pense à chaque instant à rester en dehors de cet univers
et cest devenu sa nouvelle dépendance : « Every
single day, every single hour, every single minute, staying straight
has become [...] my new addiction. » Nous aboutissons donc
à un paradoxe, mais amené de façon tout à
fait naturelle et quasiment rationnelle. Ce paradoxe peut être
compris comme la clé dun certain nombre de comportements
qui nous semblent étranges : à Oz, la perception est différente.
Nous avons dit en
introduction que lintertextualité pouvait relever de largumentation
extradiégétique. Nous allons voir maintenant un exemple
qui lie le narrateur et lintertextualité dans le but dinfluencer
le téléspectateur. Le septième épisode de
la deuxième saison a pour titre Animal Farm, titre dun
livre de George Orwell. Dans cet épisode, il est question de
mettre en place un fichier recensant toutes les personnes condamnées
pour des délits sexuels et mis à la disposition du grand
public. Cette information parvient à Oz par la télévision
et, devant ce reportage, Coushaine, détenu-professeur, sécrie
: « Its Orwellian ! ». Linterprétation
du titre se trouve confirmée, mais il est à noter que,
devant ce projet de fichier, on penserait plutôt à 1984.
Le jeu est double : on fait une citation d'Orwell et on construit une
thématique à travers les interventions du narrateur, puisque
les intermèdes narratifs dAugustus Hill ont pour thème
les animaux.
Dans Oz, nous pouvons noter que presque toutes les interventions du
narrateur sont conçues dans un tel système, qui rappelle
le montage des attractions dEisenstein. Ce procédé
consiste à monter des images hétéroclites en mettant
au jour des conflits. Cest ce système que nous trouvons
à la fin de La Grève avec les plans de massacre de la
foule en montage alterné avec ceux dun abattoir. Nous relevons
dans Oz lopposition entre lespace pénitentiaire et
lespace du cube et ensuite entre la violence de la prison et le
calme des images de documentaires animaliers qui servent de fond aux
interventions du narrateur. Cela permet de dire quil y a une figure,
en ce sens quil y a manipulation du support sémiotique.
On peut la rapprocher de lantithèse ou, mieux encore, de
loxymore, puisque le montage alterné rapproche les plans
comme le groupe nominal oxymorique rapproche un nom et un adjectif contradictoires.
Ce modèle du montage des attractions entre en plus en interaction
avec un autre phénomène : la reprise de la structure de
la tragédie grecque. Augustus Hill, en effet, peut être
rapproché du coryphée, qui ménage un repos dans
laction tout en la commentant. Cest bien ce que fait ici
Augustus Hill. En interagissant, ces deux procédés se
renforcent lun lautre : le montage des attractions, ajouté
à la présence du cube, renforce le statut spécifique
du narrateur et attire davantage lattention du téléspectateur
sur ses propos.
Le narrateur joue donc un rôle important dans largumentation
extradiégétique dOz, en guidant le téléspectateur
dans les méandres de la série et en lui indiquant comment
la recevoir, la comprendre. Son statut, inspiré de la tragédie
grecque, est rattaché au montage des attractions, ce qui permet
daugmenter la visée persuasive de ses propos en se rapprochant
dun conditionnement total du téléspectateur.
Nous avons donc analysé deux pôles importants de largumentation
extradiégétique : le générique et le narrateur.
Cependant, ce ne sont pas les seuls et dautres éléments,
comme le titre ou lintertextualité, y participent. Tous
ces éléments de largumentation extradiégétique
concourent, en outre, à créer ce que nous appelons le
« pacte de visionnage ». Analogue au pacte de lecture, il
est constitué des indications données préalablement
par le producteur du discours sur linterprétation à
avoir de la fiction. Dans cette conception, le narrateur constitue,
par son statut explicite, la partie émergée de liceberg
: le générique, le titre, les reprises intertextuelles,
par exemple, pour peu que nous y prêtions attention et que nous
tentions de les analyser, recèlent des intentions et des indications
destinées à nous guider dans notre interprétation
et notre réception de luvre, constituant ainsi ce
pacte de visionnage.