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OZ ET LES REFERENCES LITTERAIRES
par Séverine (alias Ozgirl)


Les citations littéraires sont parfois aussi à la base de réflexions politiques ou sociales.

L’épisode II, 7 a pour titre Animal Farm, qui est le titre d’un des livres de George Orwell, paru en 1945. Les intermèdes narratifs d’Augustus Hill ont pour thème les animaux, ce qui peut en partie expliquer ce titre. Mais, dans cet épisode, il est question de mettre en place un fichier recensant toutes les personnes condamnées pour des délits sexuels et mis à la disposition du grand public. Le but en est évidemment à première vue tout à fait louable : permettre aux parents de protéger leurs enfants d’un éventuel voisin pédophile. Cette information parvient à Oz par la télévision et, devant ce reportage, Coushaine, détenu-professeur, s’écrie : « It’s Orwellian ! ». L’interprétation du titre se trouve confirmée, mais il est à noter que, devant ce projet de fichier, on penserait plutôt à 1984. Le jeu est double : on fait une citation d'Orwell et on construit une thématique à travers les interventions du narrateur. La façon dont sont montées deux séries de plans n’ayant a priori que peu de choses à voir dans les interventions du narrateur vient d’Eisenstein. Il a appelé ce phénomène attraction :

« Le montage des attractions impliquait l’existence de conflits entre images violemment hétérogènes. A la fin des années 20, Eisenstein va accorder une place centrale à cette idée de conflit, "principe élémentaire et essentiel à toute œuvre d’art" [...]. Le conflit se développe à la fois entre les plans et à l’intérieur de chaque plan. Chaque paramètre de l’image est affecté par cette dynamique du conflit : lignes, plans, surfaces, volumes, espaces, jeux d’éclairage, angles de prises de vue, grosseurs de plan, durée (ralentie, accélérée), contrepoint audiovisuel, tout fragment du film est agencé minutieusement afin de produire des conflits [...]. Ces conflits ne doivent rien au hasard : Eisenstein rejette tout jeu formel fondé sur des associations purement gratuites et arbitraires. »

C’est ce procédé que nous trouvons par exemple à la fin de La Grève (1924), avec les plans de massacres de la foule en montage alterné avec ceux d’un abattoir. Dans Oz, nous pouvons noter que presque toutes les interventions du narrateur sont conçues dans un tel système. Nous relevons ici l’opposition entre d’une part l’espace pénitentiaire et l’espace du cube et, d'autre part, entre la violence de la prison et le calme des images de documentaires animaliers qui servent de fond aux interventions du narrateur. Cela permet de dire qu’il y a une figure, en ce sens qu’il y a manipulation du support sémiotique. On peut la rapprocher de l’antithèse ou, mieux encore, de l’oxymore, puisque le montage alterné rapproche les plans comme le groupe nominal oxymorique rapproche un nom et un adjectif contradictoires. Là encore, le téléspectateur est amené à réfléchir sur les problèmes liés à la vie pénitentiaire et au système pénal, présentés ici comme une émanation fasciste et totalitaire. L’épisode I, 7 s’ouvre sur une citation littéraire lui aussi : Robert Burns, poète écossais du XVIIIème siècle. Le narrateur y fait explicitement référence : « That was written by Mr Robert Burns way the fuck back in 1785 and it still is news. » En effet, l’intervention d’Augustus Hill commence par une citation de ce poète sur la similitude des « magouilles » (le terme employé « schemes » est péjoratif) des souris et des hommes, qui ne marchent jamais comme on le souhaite. Cette citation est à double détente : tout d’abord, elle fonctionne comme un contrepoint au personnage du Poet, qui s’exprime d’ailleurs dans cet épisode par un poème de sa composition sur l’enlèvement de la femme du Président, qu’il obligerait à vivre comme tant de femmes pauvres élevant seules leurs enfants et dépendantes de la drogue. Robert Burns, lui, « chantait les jeunes filles, les mendiants, les prostituées, les ivrognes, les souris et les marguerites », c’est-à-dire qu’il s’intéressait aux basses classes de la société. L’autre intérêt de cette reprise est lié à la citation elle-même: elle développe l’idée de détournement d’un chemin préétabli et cette notion parcourt tout l’épisode, notamment au sujet de Tobias Beecher, ancien avocat devenu détenu pour une affaire de conduite en état d’ivresse. Augustus Hill dit de lui : « Six months ago, if you’d asked him where he’d be today, he’d have said his daughter’s fourth birthday party. Instead, he’s howling at the moon, effect of some bad angel dust. » Le même genre de réflexion est mené dans cet épisode au sujet de Vern Schillinger, leader du clan aryen, qui, au lieu de purifier la société américaine, croupit dans une prison où il côtoie, pour son plus grand malheur, des Noirs et des Hispaniques ; pour Tim Mac Manus qui voit s’éloigner son rêve de prison parfaite et pour Kareem Said qui est empêché de poursuivre sa croisade contre l’injustice à cause de problèmes de santé. Tout cela concourt à faire réfléchir sur l’incapacité de l’homme à mener sa vie de façon entièrement rationnelle et sur le rôle du hasard et de la fatalité.