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OZ ET LA TRAGEDIE GRECQUE
par Séverine (alias Ozgirl)


Oz se place dans la lignée de la tragédie grecque. La référence est double : par rapport à la structure et par rapport à la thématique.

Augustus Hill a un rôle de narrateur, mais nous pouvons le rapprocher du coryphée de la tragédie grecque.

« [...] les chœurs ménageaient un repos dans l’action, tout en élevant l’esprit des spectateurs vers les sources religieuses et mythologiques, qui irriguaient la tragédie, ou le faisaient méditer sur le destin de l’homme. »

Or, Augustus Hill ouvre et clôt chaque épisode en nous introduisant dans l’univers de la série et en la commentant, apportant des informations qui sont souvent d’ordre historique ou sociologique, au lieu d’être religieuses ou mythologiques. Dans les dialogues, les références à l’univers hiérarchisé de la société grecque sont mises en parallèle avec celui de la prison. Dans l’épisode I, 3, le gouverneur Devlin rappelle à Tim Mac Manus la hiérarchie des dieux dans l’ancienne Grèce : « Mercury was lesser than Apollo, Apollo was lesser than Zeus. » Du point de vue de la thématique, nous pouvons aussi relever les motifs de la fatalité et de la folie lucide. La tragédie grecque est marquée par le passage d’une malédiction d’une générations à l’autre. Sophocle a ainsi traité l’histoire d’Œdipe, dans Œdipe roi, et sa suite tragique dans Antigone. Quant à Eschyle, il a mis en scène une partie du mythe des Atrides dans L’Orestie. E. R. Dodds analyse dans Les Grecs et l'irrationnel cet héritage de la faute

« Si, néanmoins, ces hommes acceptaient l'idée de la culpabilité héréditaire et de la punition différée, c'est qu'ils croyaient en la solidarité familiale, croyance que la Grèce archaïque partage avec d'autres sociétés primitives de nos jours. Cela pouvait être injuste, mais cela leur paraissait une loi de la nature qu'il fallait accepter : la famille était une unité morale, la vie du fils était une prolongation de celle du père et il héritait des dettes morales de son père tout comme il héritait de ses dettes commerciales. »

Dans Oz, nous trouvons quelque chose de similaire avec la famille Alvarez : l’épisode I, 1 nous montre l’arrivée de Miguel Alvarez, nouveau détenu. Au fur et à mesure de la première saison, nous découvrons tour à tour le grand-père, Ricardo, qui est à l’isolement à vie et qui tombera malade, touché par la maladie d’Alzheimer, le père, Eduardo, qui travaille à l’hôpital de la prison et qui est muet depuis qu’il s’est fait couper la langue par un autre détenu et Maritza, l’épouse de Miguel, qui accouche en prison. Nous avons donc simultanément quatre générations d’Alvarez prisonniers, en plus d’une femme qui, du fait de son entrée dans cette famille, a plongé. Nous relevons aussi la présence de deux frères : Ryan et Cyril O’Reilly. Ce phénomène ne joue pas seulement sur la référence à la tragédie grecque, et c’est là sa grande force : il fait aussi écho à une réalité sociologique de reproduction sociale des inégalités. Jefferson Keane, lui, fait référence à l’enchaînement des événements contre lequel l’être humain ne peut rien. On peut prendre comme exemple grec Œdipe : ses vrais parents, pour échapper à la prédiction qui annonçait qu'Œdipe tuerait son père et épouserait sa mère, éloignent leur fils d’eux mais, malgré cela, les événements auront lieu comme l’avaient décidé les dieux. Dans Oz, c’est plutôt la société qui devient responsable. Jefferson Keane dit, dans l’épisode I, 4, au moment où il est condamné à mort et où Tobias Beecher tente de le convaincre de faire revoir son procès :

« Johny Post killed Dino Ortolani because I told him. Now, the wiseguys know that. Now, they want me dead. If they kill me, one of my homeboys gonna kill them. And they’ll kill another one of my boys. And on and on and on. My death can bring an end to that. »

Or, ce sacrifice ne changera rien à la violence qui existe entre le camp des Italiens et celui des Afro-Américains. D’autre part, la civilisation grecque a un rapport différent à la folie que nous. Elle est souvent liée à la lucidité. Qu’on se souvienne d’Œdipe qui, découvrant la vérité, devient fou et se crève les yeux ou de la Pythie à Delphes qui, en transes, transmettait le message d’Apollon aux mortels.

« A Delphes et, semble-t-il, à la plupart de ses oracles, Apollon produisait […] "l'enthousiasme" au sens premier et littéral. La Pythie devenait entheos, pleine du Dieu : le dieu entrait en elle et se servait de ses organes vocaux comme s'ils étaient siens, exactement comme le "contrôle" chez les médiums spirites modernes […]. »

E. R. Dodds dit également que « la médiumnité est un don rare, propre à quelques individus choisis. » A Oz, deux détenus peuvent être rapprochés de ce modèle. Il y a d’abord Rebadow, à qui parle Dieu. Il sait ainsi un certain nombre de choses avant les autres détenus. Dans l’épisode II, 3, Miguel Alvarez vient le défier en lui disant qu’il a eu une information avant lui. Avant qu’il n’ait pu la lui donner, Rebadow lui demande s’il s’agit du viol de la fille de Leo Glynn. Miguel Alvarez avait effectivement cette information et pensait être le seul à connaître cette histoire. Il y a ensuite William Giles qui est détenu à l’isolement. Il est complètement fou, dit des mots sans sens et ne peut répondre que oui ou non à des questions, incapable de former une phrase cohérente. Cependant, c’est lui qui sait les choses les plus importantes à Emerald City, c’est-à-dire qui a tué le mari de sœur Peter Marie (avant qu’elle ne devienne religieuse) et qui a tué Samuel Hughes, un gardien dont le fils, Clayton, est embauché à Emerald City lors de la troisième saison. Nous pouvons ainsi le considérer comme un médium apollinien « qui veut connaître soit l’avenir, soit le présent caché. » Cette référence à la tragédie grecque, si elle se place dans un cadre traditionnel (tout le théâtre occidental s’est inspiré du théâtre grec et le cinéma vient bien sûr du théâtre), est ici utilisée d’une façon beaucoup plus large que d’habitude puisqu’elle fait la part belle à des reprises thématiques généralement occultées par les dramaturges et les scénaristes et à une reprise de la structure avec narrateur, rare au cinéma et rarissime à la télévision.