Clermont-Ferrand, le 3 novembre 2007. Ce jour-là, la messe se tenait exceptionnellement un samedi soir dans une église plutôt inhabituelle : la Coopérative de Mai ! Surprenant, non ? Pas vraiment quand on sait que le curé avait été remplacé par les 2 membres du groupe Justice qui venaient prêcher le bon beat.



Avant l’ouverture de la salle de concert, on pouvait constater que la moyenne d’âge des fidèles qui attendaient à l’extérieur était plutôt jeune puisque la plupart devait avoir aux alentours de 20 ans. Faut-il en déduire que les trentenaires qui ont découvert Daft Punk au même âge il y a 10 ans ne se sont pas laissés prendre par le buzz dont bénéficie Justice jusqu’à l’écoeurement ? Ou alors, Justice doit-il une partie de son succès aux adeptes de la Tecktonic représentés ce soir par un groupe d’ado d’à peine 15-16 ans ?

Quoiqu’il en soit, Justice n’était évidemment pas venu seul ce soir là puisque c’est un DJ local, Dr Vince, qui est venu assurer la première partie du show.

Après une excellente introduction faite de nappes tout droit sorties de Detroit, Dr Vince a commencé à mixer des titres plutôt hip-hop avec une certaine virtuosité alors que le public de clubbers restait plutôt de marbre.



Heureusement, faisant son boulot de DJ et voyant la réaction négative des auditeurs, Dr Vince a vite changé son fusil d’épaule en passant des titres plus techno et house tout en intercalant de manière efficace des morceaux de New Order, Teenage Bad Girl et même The Cure. On aura aussi eu droit à une reprise punk de Harder, Better, Faster, Stronger de Daft… Punk.

Après une heure et demi de mix qui aura mis l’ambiance suffisante pour déchaîner les fans de Justice, Dr Vince laisse la place au duo.

Nous découvrons alors le décor de Justice qui ouvre évidemment sa prestation avec l’intro péplumesque de son album alors qu’une croix lumineuse fait monter l’excitation du public.



N’ayant jusqu’à présent produit qu’un seul album, il y a finalement peu de surprises quant au contenu des morceaux du concert. Heureusement, ils sont suffisamment remixés pour mieux retourner le dancefloor. Cependant, si on trouve déjà que leur album fait énormément penser à du Daft Punk, c’est encore plus vrai en live avec des beats dévastateurs tout droit sortis de Rollin’ & Scratchin’.



L’un des meilleurs aspects du concert était sans doute ses effets visuels. Les 2 membres du groupe étant avant tout graphistes, ils ont le sens de la communication visuelle (la preuve avec tout le buzz qu’ils ont su générer) et on peut aisément imaginer qu’ils sont à l’origine des idées de leur mise en scène qui développe évidemment le concept de la croix. Cependant, faut-il voir dans cette utilisation de la croix une dénonciation de la religion et/ou du star system, une utilisation habile de l’icône la plus universelle qui soit ou une mégalomanie qui n’est pas sans rappeler leur idôle Michael Jackson ?



L’une des surprises de ce concert vient finalement du comportement du public. Alors que je m’attendais à les voir tous danser la tecktonik, j’avais plutôt l’impression d’assister à un concert de hard-rock puisque c’est le très traditionnel pogo qui menait la danse. Cela veut-il dire que la tecktonik est déjà démodée ? En effet, lorsque c’est le journal de 20 h de TF1 qui m’apprend qu’un mouvement est ultra-branché, c’est à ce moment là que je me dis qu’il est ringard. Après tout, ça fait quand même bien 5 ans que je vois des jeunes danser la tecktonik en boîte alors que je ne savais même pas que cette façon de danser portait un nom.



Maintenant que je sais que cette danse a un nom et des codes bien particulier, je ne sais pas quoi en penser car cela va totalement à l’encontre des valeurs de base d’origine de la techno qui étaient que, justement, il n’y avait pas de règles ! Cependant, le message principal reste le même : la danse et l’hédonisme donc l’honneur est sauf... Quoiqu'il en soit, ce mouvement a le mérite d’attirer une nouvelle génération vers la musique électronique en ces temps de domination de la chanson française.



Mais revenons à nos moutons. Le concert se termine donc sous une ambiance survoltée mais me laisse sur ma faim. Je ne m’attendais pas à être subjugué à 100 % car, si j’apprécie l’album de Justice, ce n'est cependant pas avec un enthousiasme débordant. Je pensais que ça passerait mieux en live mais non. J’étais venu avec un ami qui aime l’album et un autre qui découvrait mais ils ne sont pas vraiment rentrés dans le concert non plus. J’ai ensuite essayé de comprendre ce qui me faisait accrocher à Daft Punk et pas à Justice mais je crois que finalement, chez Daft Punk, ce sont les mélodies faussement naïves et accrocheuses qui font la différence alors que, chez Justice, les mélodies me paraissent froides et impersonnelles. Leur style a peut-être aussi un esprit plus rock qui ne me touche pas mais je ne pense pas que ça vienne de ça puisque j’arrive à accrocher à Teenage Bad Girl et à Boyz Noise qui restent dans la même veine.






Quoiqu’il en soit, la soirée n’est pas terminée et c’est ensuite Busy P qui prend le relais aux platines. Busy P n’est autre que Pedro Winter qui a lancé Daft Punk et Justice, également patron du label Ed Banger Records, le label techno tendance du moment (souvenez-vous de la règle de TF1 : tant que ça ne passe pas au 20 h, c’est tendance ! ;) ).



C’est à ce moment là que j’ai passé le meilleur moment de la soirée puisque Busy P a su me toucher et mettre tout le monde d’accord en passant des classiques de la techno comme Crispy Bacon ou des tubes du moment (en passe de devenir classique) comme Cocotte des Teenage Bad Girl (diffusé pour la deuxième fois ce soir là après le mix de Dr Vince).






Pour conclure et faire le bilan de cette messe électro, j’aurais vraiment aimé me convertir à la religion de Justice mais, malheureusement, je suis resté athée.